Loup, qui es-tu?

A question à laquelle il n'avait envie de répondre avec précision, Barker se contentait d'énoncer des vérités qu'il considérait toutes faites, au lieu de parler en termes concrets. Il s'exécuta d'une voix toujours posée :

Il est important que le monde sorcier s'éveille afin d'atteindre l'apogée qu'il mérite. Il est donc important de l'aider à grandir, à évoluer vers les sphères qui l'attendent.
L'éducation est la base de ce qui est inculqué à l'enfant. Il s'agit d'une phase qui permet de se construire, d'une étape charnière qui mène vers la vie d'adulte. C'est pourquoi, dès le plus jeune âge, il est nécessaire de leur donner les meilleures chances de réussir. C'est sur ce dernier point que j'entends agir.

Comme s'il pressentait que cela ne conviendrait pas à Malloy, il ajouta en terme de conclusion :

Pour l'instant, cela reste du domaine de la théorie. C'est la raison pour laquelle vous détaillez plus avant les actions futures serait déplacé.

Mécontent, Malloy se permit un petit sourire faux cul. Si l'homme voulait la jouer démago, le journaliste ne le laisserait pas s'en tirer à si bon compte.

Vous avez donc prévu de toucher à Poudlard. Cette école a toujours été indépendante, avant cette année et l'échec monumental que fut l'intervention de Dolorès Ombrage en tant que grande inquisitrice.
Comment vous situez-vous entre ces deux tendances?

Il le fixa un court instant.

Poudlard est dirigé par un homme que j'admire. Albus Dumbledore est, je pense, l'un des meilleurs directeurs que l'école ait connu.
Pour aborder ce sujet de façon personnelle, laissez-moi simplement vous répondre que je souhaite lui épargner, ainsi qu'à ses élèves, le fiasco de l'an dernier. Le Ministère se gardera cette année, et j'y veillerai, de se montrer dictateur. Nous ne serons présent que pour épauler M. Dumbledore s'il le souhaite.

Avec une pensée pour Fudge, il lança :

Lorsque l'homme craint pour son futur, il se retranche dans le passé. Mais bien souvent, il le fait de manière stupide.
Je ne ferai pas cette erreur. Au contraire. Le passé nous a apporté des trésors qu'il faut savoir conserver tout en y apportant du renouveau. C'est la philosophie que j'entends appliquer à cette école aux côtés de son directeur.

Vous vous êtes donc déjà entretenu avec Albus Dumbledore au sujet de l'avenir de son école, je suppose...?
Comptez-vous lui donner une place particulière dans votre équipe?

Esquivant une partie de la question, Nathaniel se contenta encore une fois du plus concis :

En effet.

Barker fixa l'homme en silence pendant de longues secondes. Armé de toute la politesse qui le caractérise, il finit par dire avec un sourire, levant les paumes vers le plafond comme pour conclure :

Si vous n'avez pas d'autres questions, Mr. Malloy, je propose que l'on achève l'entretien ici.

Oh... Bien sur, je ne voudrais pas vous embêter trop longtemps.

Déjà, il y avait quelque chose d'étrange dans le ton de sa voix, de parfaitement hypocrite.

Loin de moi l'envie de vous faire passer pour un homme compétent et qui a des idées à défendre dans mon article, de toute façon... J'ai tout ce qu'il faut pour ne dire absolument rien sur vous. Les lecteurs vont être parfaitement catastrophés, voir même paniqués!

Tout ce que j'aime...

Barker éprouva une franche envie de rire, amusé, mais n'en fit rien. Il se contenta de sourire du coin des lèvres, les effleurant du bout des doigts.

Ne soyez pas si pessimiste, mon cher. Je suis certain que votre imagination dépasse de loin tous les discours que je pourrais prononcer.

Le combat des préjugés battait son plein. Nathaniel ignorait le plaisir que le journaliste prenait à jouer ce jeu. Lui, se divertissait enfin.
L'oeil pénétrant, il ajouta l'une de ses cartes favorites :

Tout comme vous n'êtes pas un journaliste de bas étage, je ne suis pas n'importe quel politicien Mr. Malloy.

Il se redressa lentement, fixant toujours l'homme à en provoquer une légère gêne.

Je vous ai dit de mener cet entretien comme bon vous le semblait. Profitez de cette occasion pour aller au bout de ce que vous aimez faire, cessez de rester dans la case du petit journaliste qui ne veut pas perdre son job. Risquez votre peau. Peut-être, alors, aurez-vous droit à des réponses plus croustillantes de ma part.

Faisant de nouveau reposer son dos contre le fauteuil, alors que son regard s'était fait moins hypnotisant, il conclut avec nonchalance.

Ou bien partez, et inventez.

Le sang commençait à bouillir dans ses veines. Pour qui se prenait-il celui-la? il n'était pas à son service, loin de là...

Vous savez, vous pouvez bien être être le style de politicien que vous voulez, mais il n'en reste pas moins que vous aurez besoin des journaux pour gouverner. il vous faudra apprendre à dispenser les informations, ou ce seront d'autres qui s'en chargeront. Et ça risque de ne pas être en votre faveur.

Avec un geste vague de la main.

Que ce soit moi passe encore, ma réputation est ce qu'elle est. Mais vous, vous n'êtes rien pour l'instant. C'est vraiment ce que vous souhaitez devenir? Le reflet des questions d'un journaliste qui ne sait rien de vous? D'opportunistes qui sauront mieux que vous capter l'attention des journalistes puis des lecteurs?!

Car soyons honnête, non seulement vous ne me donnez rien pendant cet interview, mais en plus, avant de venir, je n'avais rien pour me guider si ce ce sont des allégations dont je préfère me tenir éloigné.

Agacement et mécontentement, voila tout ce que le journaliste laissait voir. en attendant, il ne faisait pas mine de quitter sa place.
Puis, une question vint balayer tout le discours précédent; brute et sans crier gare

Pourquoi cette bulle de secret et de mystère autour de votre personne?

Barker, impassible et silencieux, laissa l'homme évacuer toutes ses phrases préconçues : beau discours de journaliste qui se respecte. Il ressentait la colère de Malloy et cela lui procurait un sentiment de domination propre à son espèce. Les mots le touchèrent parfois dans son égo mais pas suffisamment pour lui faire oublier les notions de contrôle. C'est avec calme et respect qu'il lui répondit :

Il est très aimable à vous de me dispensez vos conseils sur mon comportement relationnel avec la presse... Mais avant de vous répondre, laissez-moi simplement vous poser une question - et ne vous imaginez là aucune comparaison venant de ma part - : combien de fois a t'ont vu dans la presse une interview de Lord Voldemort ?

La question n'attendait aucune réponse.

La presse n'est pas le reflet de la réalité, Mr Malloy. Vous le savez tout aussi bien que moi. Peu importe ce que les gens liront à mon sujet, ce qui compte sont les changements qu'ils constateront dans leur vie, preuve que ma politique est appliquée. Il s'agira alors d'une réalité qui dépassera toutes les fausses promesses que l'ont peut lire dans la presse, croyez-moi.

Il enchaîna immédiatement, ne laissant pas le temps à l'homme de répondre :

Quant au mystère qui m'entoure, disons simplement qu'il est le reflet de la personne que je suis. Il vous paraîtra peut-être étonnant de rencontrer une "personnalité" (dit-il en signant les guillemets dans l'air) qui ne souhaite pas s'exposer de toute part, c'est pourtant mon cas. Comme je vous l'ai dit, l'homme est moins important que ses idées. La gloire et la reconnaissance ne m'intéressent que si elles sont justifiées. Je ne suis pas Gilderoy Lockhart.

Citer l'homme qui venait de signer un livre sur lui de cette façon résultait d'une pensée bien établie.

Une fois la colère retombée, et le discours du ministre terminé, leur sens le frappa de plein fouet.
Au début, il n'y croyait pas, puis un ricanement illustra parfaitement son état d'esprit.
Superbe de condescendance:

Alors quoi? Vous avez prévu d'agir sans l'avis des sorciers, sans leur parler? Vous évoquez Vous-savez-qui et sa réussite en l'absence d'encarts dans la presse... Mais je crois que vous placez le problème dans le mauvais sens. Vous-savez-qui n'agit pas au nom du plus grand nombre mais pour une élite restreinte au cercle de ses "amis" et affiliés, qu'il n'a pas besoin de la presse; et la raison en est simple: il ne s'adresse pas aux sorciers.
Vous pouvez dédaigner tant que vous voulez la main mise de Fudge sur la Gazette par exemple, mais au moins avait-il à coeur de s'adresser à tout le monde. Ensuite, qui se soucie de la réalité?! Certainement pas vous, ou nous saurions déjà tout de qui vous êtes.
Vous n'êtes pas au pouvoir dans un soucis de vérité, que cette dernière vienne des faits ou des dires propagés par les journaux.

Sur le ton de celui qui a été trop souvent déçu:

La vérité ou la réalité n'ont jamais apporté quoi que ce soit en termes de politique.
Et vous le savez aussi bien que moi: vous ne remporterez approbation et contentement que si ce que vous dites est en accord avec ce que vous faites. Faire ne va pas sans dire quant il s'agit de conserver le pouvoir; et le monde est ainsi fait que si on n'est pas prévenu, on ne se rend compte de rien, ou presque.

Hausse les épaules, l'air de dire que de toute façon tout ceci ne l'intéresse que peu, mais ajoute tout de même.

Mieux vaut éviter de faire l'erreur de prendre les sorciers pour plus intelligents qu'ils ne le sont réellement. Après tout, des Lockhart ont leur petit succès.

Le discours de l'homme était juste et une interprétation tout à fait possible de ce que le Ministre avait pu dire. Cependant, et encore une fois, il s'agissait là d'une déformation proprement ridicule de ses dires.
Toujours très courtois et patient :

Mr Malloy, vous déformez mes propos. Vous parlez du mystère autour de ma personne, je vous réponds que les gens n'ont pas besoin de connaître ni mon passé ni mon présent pour comprendre et constater de ma politique.
J'ai, malgré vos insinuations, à coeur de m'adresser au peuple. A tout le peuple, et pas uniquement à une élite. Je pensais avoir été clair plus tôt dans la conversation à ce sujet.
Je le ferai d'ailleurs plus clairement lorsque les projets politiques auront été discutés et toutes les solutions passées en revue avec sérieux. Ce n'est pas avant qu'un homme politique doit s'adresser aux siens, en leur faisant miroiter ce dont il n'a même pas idée. Je ne suis pas ici pour jouer au clown et présenter un show. Je parle de l'avenir de milliers de personne et je n'entends pas le faire à la légère.

Vous prétendez que je ne vous donne rien dans cette interview, je considère que cela est faux. Je ne vous donne pas ce dont vous avez envie, voilà la raison simple de cette petite crise. Soit. Si les réponses ne vous conviennent pas, je vous ai déjà indiqué la porte.
Une fois encore, je me répète, mais si un homme comme Lockhart obtient du succès en se pavanant, c'est très bien pour lui. Je ne suis pas de ce genre et là n'est pas la place de celui qui est à la tête d'un pays. Prenez ceci comme de l'arrogance si vous le souhaitez, je me considère effectivement comme bien plus intelligent que la moyenne.

Montrant pour la première fois signe d'impatience, il formula sa demande non pas comme un ordre mais comme un souhait :

Continuez.

Comme à son habitude, le journaliste pencha la tête de côté, et sur la fin, il arbora un petit sourire désuet lui faisant perdre une bonne dizaine d'année d'un coup.
L'air d'un petit jeune un peu ahuri, il hocha vigoureusement la tête pour signifier son accord inconditionnel, puis, sans embage:

Et ces rumeurs faisant état d'un lien très fort entre vous et la communauté des hybrides? Qu'en est-il en termes de politique, justement?

Priver son interlocuteur de repères, le garder sur le fil de l'exaspération, telle était la technique d'interview de malloy. En soient témoins ses cicatrices, il était plutôt bon dans son domaine.

Il répondit immédiatement, comme s'il avait attendu la question :

Je me penche activement sur le sujet des hybrides, mais aucune décision n'a été prise pour l'instant.

Après une courte pause, il ajouta, le regard sombre :

Les hybrides font peur, car ils possèdent des pouvoirs que les sorciers ignorent, tout comme les gobelins ou les elfes de maison, par exemple. Ils les considèrent comme dangereux ou insignifiants et je pense qu'il est temps de mettre un terme à tout cela. De prendre les mesures nécessaires pour que chacun puisse cohabiter en toute sécurité.

Il songea à Voldemort, à comment il profiterait une fois de plus, sans doute, des communautés mises à l'écart pour mieux les détruire ensuite. Il ne comptait pas lui laisser cet honneur.

Un être n'a pas à se cacher ou à vivre dans la honte parce qu'il est hybride. Les mêmes droits lui reviennent qu'à quiconque. Mon premier champ d'action sera donc le domaine du travail.

Sincèrement surpris
Vous visez l'égalité?!

Je vise l'équilibre, et donc oui, une certaine forme d'égalité. Mais il faudrait être simpliste ou utopique pour utiliser le terme même d'égalité.

Il restait impassible, insondable, alors qu'il prononçait des paroles dangereuses et osées. Aucun sujet ne devait être mené avec plus de prudence que celui là, car s'il ne gagnait pas la confiance des sorciers, celle des autres ne lui serviraient à rien.