GALA AU MANOIR

Encore une autre réception, Fitzerwilliam en baillait d'avance.
Pourtant ce dernier gala s'annonçait bien plus plaisant que les autres: Pas de danses stupides toute la soirée, des gens un minimum intéressant à rencontrer et surtout, surtout! pas de cavalière imposée.

Bien sur, comme à son habitude, sa mère était sur le pied de guerre depuis la veille et avait menée les préparatif d'une baguette de maitre, et bien qu'avec un peu de retard, tout était prêt ou presque.
Fitzerwilliam, lui avait pris tout son temps pour se préparer et avait finalement rejoint son père dans le vestibule quelques instants avant que le premier invité arrive.

Les dit invités, tous de riche et/ou puissant et influents acteurs de la scène internationale et scientifique sorcière avaient été soigneusement sélectionnés par les soins de lord Fairfax et de certains de ses collaborateurs, arrivaient par petit groupes dans le hall d'entrée ou le vestibule de transplanage et passaient tous par le hall de réception ou Lucian Fairfax les accueillait lui-même, leur présentant au passage son fils avant de les laisser rejoindre le reste du groupe dans la grande salle de réception ou Lady Fairfax tenait son rôle de maitresse de maison à la perfection, veillant à ce que tout ce beau monde ne manque pas de vins délicat ou de petit four.

La soirée avait déjà commencé depuis une bonne demi-heure et Fitzerwilliam avait déjà remarqué une bonne dizaine d'invités dont il tenterait plus tard une approche afin de se faire mieux connaitre quand, une jeune femme fît son entrée dans le vestibule.
Fitzerwilliam fût d'abord étonné de la voir apparaître en ce lieu seule, alors qu'il était de bon ton pour une jeune demoiselle de toujours venir accompagnée, si ce n'est d'un homme, au moins de sa mère ou d'une proche. Une fois ce détail passé, il ne pût s'empêcher de l'observer plus attentivement.
Son teint presque basané par rapport à celui des anglaise qui était presque laiteux détonnait vraiment dans cet univers de gens de bonne familles britanniques. Son allure et sa démarche trahissaient son appréhension ainsi que la façon dont elle détaillait les décors de la salle révélant le fait qu'elle ne devait pas être très habituée à fréquenter ce genre d'endroit.

Arrivant rapidement à la conclusion qu'elle devait être là car elle était une scientifique ou du moins aspirante à ce type de carrière, Fitzerwilliam détournât vite son attention de la jeune fille pour passer à l'invité suivant, la regardant à peine dans les yeux lorsqu'elle vint se présenter à lui et son père, préférant tourner la tête pour voir à quoi pouvait bien ressembler le prochain invité qui se présentait à l'entrée de la salle, murmurant un rapide 'bonne soirée' sans même faire l'effort de sourire pour rendre son accueil plus sincère.

Et au tour de sire Brahms de faire son entrée dans la grande assemblée. Au bras d'une ravissante créature dont il se souvenait à peine du nom, et précédé par un Selwyn accompagné de sa femme.
Ce dernier, comme à son habitude, lui avait expliqué tous les tenants et aboutissants de la soirée, et l'avait entretenu des sujets à éviter et des personnes à flatter en priorité, bien que Nicéphore ne soit pas celui en charge de ce genre d'activité. Depuis que le jeune homme était passé sous la tutelle de son maître en matière de rouage ministériaux, il falait avouer que la part du contrat avait été plus que rempli, et il n'y avait pas une semaine sans que Nicéphore soit amené à participer à ce genre de représentation; on pouvait donc dire qu'il était rompu à ce genre d'exercice, et qu'il commençait même à s'y amuser. Il s'y trouvait suffisamment à l'aise pour que Selwyn décide, pour la première fois, de le laisser libre de choisir sa compagne, et on ne pouvait pas dire qu'à ce sujet, Selwyn soit content de son choix. "Une pute de luxe" comme il avait gentiment qualifié la jeune femme, et on ne pouvait pas dire qu'il était loin de la réalité. Mais Nicéphore n'en avait que faire. La demoiselle serait libre d'essayer de séduire un vieux grabataire richissime, et quand à lui, il serait libre de l'utiliser à son bon vouloir.
Et à ce sujet, la demoiselle se révéla bien vite un allier de poids. A peine les présentations faites, elle savait jouer de son charme et mettre les hommes dans de bonnes dispositions. Immédiatement, les hommes riaient aux plaisanteries de Nicéphore, et il pouvait en profiter pour aborder des sujets qu'il aurait mis plusieurs heures à aborder en d'autres circonstances.
La séduction était une arme terrible, il n'en avait jamais douté.
L'heure de se mettre à table arrivée, Nicéphore eu tout de même une mauvaise surprise; alors que sa jolie compagne rejoignait les places hautes, lui se retrouva au milieu d'une tablée de bas étage. Déplorable. Peut-être n'aurait-il pas du préciser qu'ils n'étaient pas en couple.
De fort méchante humeur, il resta un moment à discuter sec avec Selwyn pour que ce dernier arrange les choses, et les choses ne pouvant pas être arrangées, il dut bien capituler et se diriger vers sa place, la rage au ventre.
Encore une fois, il se retrouvait confronté à un échec; Au moins ne lui avait-on pas rit au nez cette fois-ci.

Avec un ricanement discret, il avisa qu'il allait se retrouver à une tablée de scientifiques et de jeunes demoiselles. Autant dire qu'il n'aurait pas grand chose à en tirer, alors autant s'amuser un petit peu. Jouer les don juan pourrait être intéressant...
Aussi prit-il l temps de se positionner derrière sa chaise, et de considérer toutes les personnes qui l'entouraient. Déjà bien installées, deux jeunes demoiselles semblaient bien s'amuser à sa droite. en face de lui, les personnes tardaient à s'installer, mais il distinguait déjà une demoiselle blonde fort intéressante.

- "Salutations," finit-il par lâcher, d'un ton un peu amusé mais loin d'être condescendant. Pour l'heure, on ne verrait en lui rien d'autre que le garçon charmant et avenant que ses camarades connaissaient bien à Gryffondor. "Je crois, ou plutôt, je suis sur, que nous allons être voisin pour l'heure à venir."

Evéana oublia rapidement la jeune femme blonde et les autres invités pour discuter avec sa voisine de leurs études et de leurs attentes en tant que médicomages. La jeune anglaise voulait se spécialiser dans la recherche d'antidotes aux sortilèges d'amnésie, ou encore d'endoloris de grande intensité, bref à tout ce qui touchait les dommages cérébraux dus à de puissantes doses de magie noire. Le sujet était passionnant, et les deux jeunes femmes se perdaient en conjectures diverses parlant avec engouement des diverses théories de grands médicomages présents ou absents, voir morts depuis longtemps pour certains. Il était toujours plaisant pour Evéana de rencontrer de nouvelles personnes avec d'autres visions des choses, et en l'occurence, sa voisine de table maîtrisait parfaitement son sujet.

Perdues dans leur discussion, elles ne prêtaient plus attention aux gens qui les entouraient. Il faut dire que les hauts gradés du ministère et la noblesse sorcière n'interressaient pas Eva, et, que ce monde lui était en parti étrangé. Ses deux vrais passions étant les sciences et la musique (le piano plus particulièrement, dont elle avait hérité le don de son père, qui, avant sa mort était l'un des plus grand pianiste de sa génération).

Eva ne prêta donc pas tout de suite attention au jeune homme qui se tenait derrière elle, et fut surprise lorsqu'il les salua elle et sa compagne. Elle leva vers lui ses grands yeux bleus tout en rejetant en arrière cette éternelle mèche qui venait si souvent barrer son beau visage. Elle salua à son tour le jeune homme qui prenait place à ses côtés.

- Bonsoir, je m'appelle Evéana Bergamelli, et voici Séraphina O'Donnel.

Elle se décala afin de laisser sa voisine saluer à son tour le nouvel arrivant, tout en le détaillant rapidement. Ce qui la frappa en premier fut la cicatrice sur sa tempe (déformation professionnelle), et ses yeux noirs et vifs.
Il présentait fort bien, mais elle n'arrivait pas à savoir si c'était quelqu'un de bon ou de mauvais. Une sorte d'ambiguité planait sur lui qui la gènait.Il lui arrivait rarement de croiser quelqu'un que son instinct ne jugea rapidement. Finalement, la soirée pouvait se révéler interressante.

Gardant comme toujours son jugement pour plus tard, le jeune homme tira sa chaise, tout simplement, et après avoir hoché la tête, main sur le ventre, il s'assit.

Enchanté.

Fort de son assurance naturelle et de l'habitude, il se mouvait avec des gestes d'une précision implacable, lents et gracieux, qui avait le don d'apaiser les plus craintifs. Pour l'heure, il n'y mettait aucune volonté particulière, aussi ne dégageait-il rien d'autre qu'une franche sympathie, signe d'une ouverture d'esprit rafraichissante.
Ses amis de Poudlard n'auraient eu aucun mal à le reconnaitre, se disant peut-être qu'il semblait un peu trop sage... Douteux, auraient-ils ajouté.
Pour résumer, le gamin à la bouille rieuse apparaissait sans mal sous les traits du jeune homme tout nouvellement chargé de quelques responsabilités au ministère. Qu'on le pousse un peu, et il n'y avait nul doute que les restes d'une politesse un peu guindée ne manqueraient pas de voler en éclats.

Nicéphore Brahms. Pour ne pas vous servir.

Souriant de sa bêtise, il prit un petit air d'excuse.

Je crains d'avoir encore quelques petites choses à désapprendre avant de pouvoir me comporter comme il se doit en pareil société.

Comme son habitude d'aller à contre sens des convenance, par exemple... Voila un trait de caractère qui ne devrait pas manquer de lui valoir l'approbation des jeunes demoiselles. Pour préférer rester entre elles, ce genre de soirée ne devait pas les mettre en joie, ainsi que leurs instigateurs.

Evéana regardait avec attention le jeune homme. Malgré son sourire de façade, quelque chose semblait le chagriner, mais elle pensa avec amusement que lui aussi devait être de corvée en ce lieu, d'autant que sa manière d'expliquer ses possibles gaucheries durant la soirée ne faisaient que renforcer sa théorie. Elle lui offrit donc un ravissant sourire, ses yeux sondant toujours ceux du jeune homme.

- Je vous rassure tout de suite, nous ne sommes pas non plus des habituées de ce genre de soirées... Mais pour quelles raisons vous a t-on infligé cette punition?... étudiant en médicomagie?...

Elle s'arrêta soudain, consciente qu'elle enchainait les questions sans même lui laisser le temps de répondre. Elle reprit néanmoins, ne le laissant pas ouvrir la bouche.

- Pardonnez moi cette inquisition, c'est une fâcheuse habitude que j'ai depuis l'enfance, certains de mes amis disent que je souffre de diarrhée verbale, alors ne vous offensés pas pour mon manque de savoir vivre.

Son regard pétillait de malice. Elle n'était pas du genre à s'offusquer de quoique ce soit, un brin sans gène, peu lui importait vraiment ce que pensait Nicéphore, de toute façon, il y avait peu de chance qu'ils ne se revoient une jour. Elle préférait toutefois être en bons thermes avec ses voisins de table, ce qui adoucirait le reste de la soirée qui venait à peine de commencer.
De son côté, sa voisine avait abandonné leur conversation pour discuter avec son autre voisin qui venait de s'installer aussi et se présentait à elle. Eva se retrouvait donc seule face a ce jeune homme, attendant (enfin) poliment qu'il lui réponde.

Toujours on ne peut plus cordial, le jeune homme se permis tout de même un tour d'horizon de ses voisins, réagissant par un petit sourire à ce que lui disait la demoiselle alors que, curieux, il regardait vers son voisin de gauche, et un peu plus loin, vérifiant qu'il n'y avait personne de plus intéressant dans le coin.
Concluant sa petite étude d'une petite moue amusée, désirant montrer par là que la compagnie n'avait pas l'air des plus reluisantes (et c'était le cas...), il fixa à nouveau toute son attention sur la demoiselle.
Comme il en avait l'habitude, il la regardait bien dans les yeux, avec ce mélange de candeur et de surprise qui le caractérisait bien souvent face à une femme. Au premier abord, du moins.
Alors que l'expression "diarrhée verbale" venait ponctuer le monologue, il ne put s'empêcher de rire légèrement, son sourire s'élargissant et ses yeux pétillant joyeusement.

Jusqu'à ce que vous commenciez à vous excuser, les choses se déroulaient plutôt normalement, je dois dire.

Rompant le contact le temps de surveiller, au loin, les installations aux tables de la "haute", il ajouta:

Et il n'existe d'inquisition que pour ceux qui ont quelque chose à cacher.

Revenant sur Eveana, rassurant:

Ce qui n'est pas mon cas.

Escorté par son conseiller et sa secrétaire, le Ministre fit soudain apparition à l'entrée du manoir, surprenant ainsi quelques arrivants. Rien, dans son apparence, ne laissait penser qu'il ait quoi que ce soit à voir avec le gouvernement. Il aurait pu représenter n'importe quelle famille noble, ainsi habillé d'un style ancien et élégant ; et entouré de ces deux acolytes.
La femme, aux formes pulpeuses, était d'une beauté sans pareille, attractive. Une cascade rousse se répandait sur la peau laiteuse de son dos, encadrant des yeux verts en forme d'amande. Quelques tâches de rousseur venaient réchauffer son visage pâle aux lèvres gorgées de sang. Sa silhouette renvoyait tout homme à ses désirs charnels les plus enfouis. Pourtant, la femme respirait une douceur telle qu'elle semblait intouchable et imposait au respect le plus pieux.
L'homme, quant à lui, possédait une allure éblouissante. La quarantaine, l'oeil à la fois tendre et rusé, il était l'oeuvre d'un artiste proche d'atteindre la perfection. Le corps sculpté, élancé, il aspirait plutôt à une carrière de mannequin. Sans faire coq, il portait son charisme avec humilité et tranquillité. Souriant, il semblait cacher une timidité qui disparaissait lorsqu'il prenait la parole.
Une équipe de choc.

L'écho d'une canne frappant la pierre s'éleva. Nathaniel Barker commença son ascension vers le hall d'entrée. L'homme, entouré d'un couple si parfait, aurait pu passer inaperçu. Pourtant, ce n'était ni le bruit de sa canne, ni ses habits peu habituels qui le faisaient remarquer. Au centre de ce trio, il était celui duquel émanait le plus de charisme. Nathaniel, homme sans âge, sans réel visage, à la physionomie bancale, volait la vedette à la perfection qui l'entourait. Cela semblait inexplicable, indescriptible. Pourtant, toute personne présente comprenait la puissance de cet être, sitôt qu'il passait devant eux.
Barker ne distribuait aucun sourire gratuit, il se contentait de laisser planer le mystère autour de ses lèvres légèrement incurvées. Son oeil inquisiteur saluait avec intensité les gens qu'il croisait. Un être mystérieux, presque inquiétant, s'élevait jusqu'à l'entrée du manoir, fort d'une beauté atypique, envoûtante. Cette impression ne durait que l'espace de quelques secondes. Pourtant, elle était si marquée qu'elle allait jusqu'à créer des troubles.

Parvenu aux portes de l'endroit, le Ministre s'annonça sans prétention.

Nathaniel Barker, bonsoir.

Il inclina imperceptiblement le visage pour saluer et se laissa guider par l'hôtesse.

- alors comme ça vous n'avez rien à cacher ?

Evéana sourit à cette idée qui lui semblait des plus ridicule.

- Tout le monde a ses secrets... nous ne sommes que des êtres humains, et je pense avec force convictions qu'en tant que tel, il est impossible de n'avoir rien à cacher. L'homme pur n'existe pas, et ni vous, ni moi ne faisons exception à cette règle.

Son regard se posait alternativement de la foule de plus en plus bruyante à son voisin. Voyant l'intérêt que portait le jeune homme à tous ces gens, elle reprit sombrement.

- Aussi pur que soit leur sang, ils ne valent pas mieux que nous sans leur argent. Ils sont avides de pouvoir... étrange société qui s'étale devant nous. Quel est votre motivation pour être venu dans un lieu comme celui là?

La jeune femme suivait le regard de Nicéphore jusqu'aux tables des hauts dignitaires, puis, qui revenait vers elle de temps en temps. Elle soupira doucement, laissant ses yeux errer dans le vague. Une légère agitation provenant du hall retint soudain son attention, sans doute une nouvelle personnalité qui faisait son entrée dans la salle de réception. Comme elle s'y était attendue, la soirée aux allures pseudo médicales allait vite tourner à l'avantage de la politique, surtout après le nouveau changement de ministre, qui, parait il devait assister à cette soirée. C'était d'ailleurs lui qui arrivait, sous le regard fier de Lady Fairfax. Un ministre dans sa demeure, ce devait être la consécration de la toute puissance dans une famille comme celle là. L'idée la fit sourire.

A la réaction de la jeune femme, Nicéphore ne put s'empêcher de s'esclaffer un peu moqueusement. Riant un peu, il secoua la tête, plus amusé que réellement affligé.
Une fois un semblant de sérieux retrouvé, avec plus de douceur qu'on aurait pu s'y attendre.

Ne seriez-vous pas du genre à prendre les choses bien trop au sérieux?

Il balaya sa question d'un sourire en coin, juste avant de lever les yeux vers l'entrée du manoir d'où s'élevait une agitation soudaine et fébrile. Il poursuivit tout de même, portant bien moins d'attention à ce qu'il pouvait dire:

Je ne pensais pas que nous aurions à aborder si tôt la question de nos pêchers... Que diriez-vous de commencer avec un sujet plus léger...?

Pour le reste, il ne l'écouta que d'une oreille. A tel point que...

Pardon..?

s'excusa-t-il poliment de ne pas avoir écouté sa question.

Evéana parti d'un rire légé, décidement, le jeune homme n'était pas commun. Elle posa ses grands yeux bleus sur Nicéphore tout en dégageant une mèche de ses longs cheveux bruns.

- Pour répondre à votre question, heureusement que je ne prends pas les choses trop au sérieux, sinon, je pourrais me vexer par votre manque d'attention à mon égard... au moins, grace à mon discours, j'ai eu le mérite de capter votre attention plus de quinze secondes, ce qui semble tenir d'un record.

Sa voix ne trahissait nul reproche, plutôt un réel amusement face à une situation singulière. Son regard était espiègle et brillait tel des saphirs sur le satin de sa peau mate.

- Alors allez y, je vous laisse le choix du sujet, je sais que ça n'est pas très galant, mais après tout peu importe, ni vous ni moi ne semblons prêter d'importance aux convenances.

Elle lui fit un clin d'oeil tout en buvant une gorgée du champagne qui venait d'apparaitre sur les tables.

Piteusement, il lui fit un petit sourire.

Désolé de devoir vous l'avouer, mais il y a bien trop de choses intéressantes à regarder pour que je vous accorde mon entière attention.

Franchise désarmante, comme on dit.

Je pourrais essayer, mais ce serait une pure perte, alors je préfère m'en abstenir.

Soulevant le verre qu'il vient d'attraper.

Mais que ça n'enlève rien à votre charme ni à votre mérite; seule est en cause ma curiosité.

Quand à sa requête concernant un sujet de conversation, il fit mine de n'avoir rien entendu, l'expression de son visage ne révélant rien d'autre que sérénité et sympathie. Il n'y avait rien qui l'ennui plus que ce genre de déclaration. Automatiquement, il lui prit l'envie de couper court à la conversation, persuadé qu'il ne pouvait en résulter qu'ennuie et convenances dissimulées. Mais le choix n'étant pas sien, il se contenta de laisser glisser la remarque, le regard fixé sur ce qui s'avéra être le ministre de la magie; Nathaniel Barker, et la femme qui l'accompagnait.

Et apparemment, nous ne sommes pas les seuls...

laissa-t-il glisser pensivement.

Les ministres ne sont-ils pas habituellement accompagnés d'une petite épouse juste assez moche pour qu'on ne puisse pas jaser à son sujet?

De son pas claudiquant, le Ministre se lança dans une traversée de la pièce. Saluts et politesses étaient d'usage, malgré le caractère officieux de sa présence.
Il était d'avis que Barker avait pour but établi de se montrer, faisant face pour la première fois au peuple sorcier qui ne l'avait pas élu. Peu importaient ces propos déclarés intimement par Sir et Lady Fairfax eux-mêmes, Barker savait qu'ils se flattaient avec arrogance d'avoir obtenu l'honneur de sa présence, et se réjouissait ainsi de ne pas avoir à la justifier plus avant. En réalité, cette soirée tenait d'un tout autre intérêt à ses yeux.

Se montrant des plus avenants, l'homme se mit à accueillir la parole d'autrui, à la flatter subtilement et à s'évincer dans une limite de temps raisonnable. Il prit place à la table centrale, aux côtés des maîtres de maison et de ses accompagnateurs.

Je vous remercie chaleureusement de cet accueil, Sir, Lady Fairfax.
Permettez-moi de vous présenter Miss Hécate Compton et M. Dorian Millo.

Il n'en dit pas plus, laissant libre court aux spéculations.
Suite à des échanges marqués sous le signe de la sympathie et à un regard complice avec sa secrétaire, il la laissa prendre la relève un instant, se permettant une pause afin d'observer les invités. La jeune femme rousse, ainsi que l'homme, baignaient dans un monde dont ils connaissaient chaque recoin. Tout comme Nathaniel constatait de la triste similitude qui animait chaque soirée de ce type.

Evéana sourit à la réflexion du jeune homme. Elle tourna son visage du côté de Nathaniel Barker qu'elle avait jusque là regardé sans le voir. C'était donc lui le fameux ministre, silhouette bancale, avançant tranquillement à l'aide de sa canne, mais si sa démarche était disgracieuse bien qu'alerte, il émanait de son visage une toute puissance troublante.

Son regard se tourna ensuite vers la jeune femme qui l'accompagnait, une fort jolie rouquine qui n'avait effectivement rien à voir avec les traditionnelles épouses de ministres.

- En effet, elle est magnifique, avec une pareille beauté dans son entourage, il aurait eu tord de ne pas en profiter, d'autant que pendant que les mauvaises langues s'attardent sur ce détail, ils ne l'attaquent pas sur ses projets politiques.

Son ton était légèrement moqueur, mais elle sentait pertinemment que ce genre d'homme n'avait nul besoin de subterfuges pour cacher quoique ce soit, et qu'il devait plutôt être du genre à assumer pleinement ses décisions, quelles qu'elles soient. En regardant le ministre s'installer sous le regard curieux de la foule, elle ne put réprimer une pensée à voix haute

- Finalement, rien ne vaut l'anonymat...

C'est le moment que choisit sa voisine de gauche pour lui demander son avis sur la théorie de Riejmann concernant le traitement par dose massive de venin de cascanivorus albus de la maladie de Trajan. Sujet fort interressant, d'autant que, le-dit Professeur Riejmann était présent ce soir là, et qu'il leur serait sans doute possible de lui parler plus tard dans la soirée.

En effet.

Ne put-il que répondre pensivement, et juste avant de se lever. Apparemment, son patron lui faisait signe de venir.

Veuillez m'excuser, je crains que le devoir ne m'appelle.
Une fois que j'en aurais fini, je deviendrais un hote digne de l'attention que vous méritez.

Avec un petit sourire, il s'excusa. Puis, main posée sur le ventre, il s'inclina brièvement, regard déjà porté au loin. Comme toujours, il avait à coeur de bien faire et ne souhaitait pas rater la moindre occasion de se distinguer.
C'est ainsi qu'il se retrouva dans la foule autour du ministre, ayant pour mission d'occuper les personnes qu'on lui désignait pendant que Selwin se faisait un chemin jusqu'au ministre lui-même.